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Histoire d’une expression. Il est fini le temps où le terme barrait en lettres rouges l’en-tête de copies jugées convenables : « Travail satisfaisant ». Aujourd’hui, il accompagne plutôt l’une de ces vidéos dont les utilisateurs des plates-formes numériques comme YouTube, Instagram ou TikTok sont friands. Un tapis qui, rinçage après rinçage, retrouve comme par magie ses couleurs d’antan ; une jeune femme qui, tout en chuchotant, fait courir ses ongles manucurés sur le manche d’un peigne ; une cuillère à glace qui s’enfonce dans une matière gélatineuse pour en ressortir avec un « tchok » sonore ; un liquide dont la dernière goutte vient remplir à ras bord son contenant : « C’est trop satisfaisant ! », s’exclament les internautes dans les commentaires.
Dérivé d’un anglicisme, le terme a pris un sens nouveau : il vient désormais désigner la sensation de bien-être sensoriel que nous procurent ces contenus virtuels, et, par extension, l’irruption de cette même sensation in real life. Tout semble avoir commencé en 2013, lorsque des internautes se mirent à rassembler des vidéos qu’ils considéraient « oddly satisfying » (« étrangement plaisantes ») sur une page de la plate-forme en ligne Reddit. Ou peut-être faudrait-il remonter à 2008, lorsque la « Communauté du chuchotement » (« Whisper Community ») commence à se constituer sur des forums en ligne pour discuter d’un « sentiment agréable que personne ne peut expliquer » (« good feeling no one can explain »), déclenché par certains stimuli tels les sons de papier froissé ou les voix chuchotées, et qui ne porte pas encore le nom de « réponse automatique des méridiens sensoriels » (autonomous sensory meridian response, ASMR).
Quoi qu’il en soit, ce qui était initialement une quête menée en ligne par de petites communautés est devenu un mot-clé qui a fait florès, regroupant des milliers de vidéos – dont un grand nombre sont produites afin de susciter cette sensation de bien-être – et cumulant des millions de vues sur des chaînes spécifiques. Leur succès est d’abord le reflet d’une évolution des pratiques numériques. « Cela montre l’importance de formes culturelles vernaculaires, produites par les usagers, dans une certaine simplicité d’observation de situations quotidiennes », note Nicolas Nova, anthropologue du numérique. « A une époque où l’on produit des films et des séries avec des budgets gigantesques et des équipes énormes, c’est ici une sorte de production inversée : simple, courte et efficace », dont le succès repose sur le fait que la grande majorité des usages se fait sur le même objet qui permet de les produire – le smartphone.
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